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| - Notre société a oublié que la forêt avait et a toujours pour vocation de produire du bois, qu'il fut longtemps la seule source de chaleur et un matériau de première importance. La forêt étais aussi considérée comme un espace nourricier. On y traquait les bêtes fauves et le menu gibier. On y menait paître les chevaux et les bovins. On y prenait des herbes, des champignons. On y cueillait des fruits. Cet héritage-là, oui, nous l'avons gardé : nous voyons ainsi dans la forêt une étendue qui fournit des biens précieux, un couvert qui abrite le bien suprême : la liberté. Et pourtant, l'emploi de ses richesses fut toujours plus ou moins réglementé : gare à qui les dérobait ! Et pourtant, les hors-la-loi, infâmes larrons ou pauvres persécutés, s'y regroupaient. Voilà le legs de nos ancêtres. Le monde contemporain a recueilli ces perceptions, les modifiant, les amputant. La forêt demeure le vert paradis, des amours enfantines ou non. Elle devient le terrain de prédilection des sportifs. A l'aube du XXIe siècle, d'après les sondages, elle ne serais plus une formidable machine à fabriquer du bois. Au mieux semble-t-elle purger l'atmosphère du gaz carbonique. Mais le lien entre les deux n'est pas vu, à savoir le cycle du carbone. L'homme moderne accepterait de dispenser ses forêts de tout prélèvement. Il prêche ainsi le bon exemple, lui qui gémit sur les forêts tropicales et défend ce poumon qu'offrirait l'Amazonie. L'industrie réclame des grumes, des panneaux, des papiers ? Qu'on les importe ! Les immenses forêts nordiques ne sont-elles pas là pour ça ? Avec cette conception simpliste, les forestiers canadiens et scandinaves ont de beaux jours devant eux, alors que les sylviculteurs français éprouvent des inquiétudes croissantes, qu'ils soient propriétaires publics, collectifs ou particuliers. Eux voudraient bien que leurs efforts pour entretenir et améliorer les bois soient enfin reconnus et correctement rétribués. La Forêt suscite donc plus que jamais des images contradictoires. Leur &xheveau demeure complexe, embrouillé, et c'est sur sa structure que le présent ouvrage invite à réfléchir. Comment voyons-nous la forêt, les forêts ? Quels éléments sont privilégiés ? Pourquoi les représentations en font-elles un étrange kaléidoscope, un puzzle éclaté ?
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