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| - Pour les historiens de la Perse, le XIIIe siècle est celui des invasions mongoles et des bouleversements considérables qu’elles entrainèrent sur tout le plateau iranien. Pour l’histoire de la littérature, cependant, ces temps de grande violence définissent un épisode unique et fondateur : la naissance de la théorie littéraire en Iran. De fait, rien ne laissait présager l’éclosion, à quelques années de distance, aux marges opposées de la Perse (Shiraz, Alamut), de deux artes poetica à part entière, intégralement conçus et rédigés pour la première fois en persan. Avec son Livre de la somme, sur les étalons des poésies des Persans (Ketāb al-mo‘jam, fī ma‘āyīr aš‘ār al-‘ajam), Šams-e Qeys-e Rāzī (circ. 1175-1240) livrait sans conteste l’ouvrage le plus complet de la tradition. L’Étalon des poésies, de la science de la métrique et des rimes (Me‘yār al-aš‘ār, dar ‘elm-e ‘aruḍ va qavāfī) du grand savant et polygraphe Naṣīr al-Dīn Ṭūsī (1201-1274), proposait quant à lui une analyse ambitieuse de l’essence de la poésie. À eux deux, ils signent le testament inaugural de la tradition poétologique persane. Ils déterminèrent en outre les deux grandes orientations de la tradition artigraphique ultérieure : l’approche esthético-littéraire, et l’approche philosophique. En proposant une lecture croisée de ces ouvrages, le présent travail espère contribuer à éclairer cet événement considérable que constitue l’avènement, en Iran, d’une véritable pensée du fait poétique.
- From the point of view of Persian historiography, the 13th century identifies with the considerable changes brought about by the Mongol invasions throughout the Iranian plateau. For the history of literature, however, this sour era dates a single founding episode: the advent of literary theory in Iran. In fact, the emergence of two full-fledged artes poetica, entirely conceived and composed in the Persian language, just a few years apart, at opposite ends of the Persian lands (Shiraz, Alamut), could not easily be predicted. With his Compendium on the Standards of the Poetry of the Persians (Ketāb al-mo‘jam, fī ma‘āyīr aš‘ār al-‘ajam), Šams-e Qeys-e Rāzī (circ. 1175-1240) delivered the indisputable classic of the genre. As for The Standard of Poetry, on Metrics and Rhyme (Me‘yār al-aš‘ār, dar ‘elm-e ‘aruḍ va qavāfī) by the great scholar and polymath Naṣīr al-Dīn Ṭūsī (1201-1274), it offered a far-reaching discussion of the essence of poetry. Together, these two works embody the inaugural legacy of Persian literary theory. They further defined the two major trends followed by later authors: the estheticliterary and the philosophical approach to poetry. With this cross-reading of the texts, we hope to shed some light on an event of no little importance: the emergence, in Iran, of a genuine endeavor to account for poetry as such.
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